Exégèse de la sourate Al Fatiha par Al Utaymin
( بِسمِ اللهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ)
(Au nom d’Allah le Tout-Miséricordieux le Très-Miséricordieux)
(bismi-l-lâhi-r-rahmâni-r-rahîm)
(Au nom d’Allah le Tout-Miséricordieux le Très-Miséricordieux) :
(bismi-l-lâhi-r-rahmâni-r-rahîm) : La préposition (bi (au)) dite jâr[1]4 et le nom qui se termine par la voyelle « i» (kasra) par l’influence de cette préposition –majrûr- ([i]smi (nom) ) dépendent d’un mot sous-entendu. Ce mot est virtuellement un verbe mis à la fin de la phrase, qui change selon les circonstances. Si tu dis par exemple : « Au nom d’Allah » quand tu t’apprêtes à manger, c’est que tu veux dire : « Au nom d’Allah je mange ».
Nous avons dit qu’il faut que les deux mots soient liés à un mot qui est sous-entendu parce que le jâr (bi (au))
et le mot affecté par lui
–majrûr– sont patients, or le patient exige immanquablement un agent
– ‘âmil-.
Nous avons mis virtuellement cet agent à la fin de la phrase pour deux raisons :
- La première raison: en mettant en premier « au nom d’Allah », on s’attire la bénédiction.
- La deuxième raison: c’est pour introduire la restriction ; en effet la mise de l’agent
(le verbe) en dernier introduit une clause restrictive, c’est comme si tu dis : « Il n’y pas un nom que je prononce avant de manger (ou de boire, ou de réciter, etc.), avec l’intention d’en tirer bénédiction et en m’appuyant sur l’aide de Celui dont je prononce le nom, sauf le nom d’Allah-Puissant et Majestueux-».
Nous avons supposé que cet agent est un verbe parce qu’en principe le verbe exprime l’action, règle que les linguistes savent très bien, quant aux noms, ils n’expriment l’action que sous certaines conditions. Nous avons supposé qu’à chaque circonstance correspond un verbe parce qu’il rend clair le sens de la phrase. L’Envoyé d’Allahﷺ a en
14 Note du traducteur : La particule « bi » a pour fonction d’affecter le nom qui la suit par la voyelle « i » (kasra) à sa fin.
effet dit : « Ceux qui n’ont pas encore sacrifié [leur bête], qu’ils la sacrifient maintenant] au nom d’Allah »15 (Allah) est le nom du Seigneur des mondes. Seul Dieu porte ce nom Il est la base de Ses autres noms.
([a]r-rahmân (le Tout-Miséricordieux)) est Celui dont la miséricorde est large. Il est sur le schème -wazn-
« fa’lân » qui exprime l’extension.
[a]r-rahîm (le Très-Miséricordieux)) est Celui qui fait parvenir la miséricorde à qui Il veut parmi Ses serviteurs, c’est pour cela qu’il est sur le schème fa‘ il » qui exprime la réalisation de l’acte.
([a] r-rahmân) indique une miséricorde dans Son attribut.
([a] r-rahîm) indique une miséricorde dans Son acte.
([a] r-rahmân) et [a]r-rahîm) sont deux noms d’Allah qui référent à l’essence [divine], à l’attribut de la miséricorde et à l’effet de la miséricorde ; c’est-à-dire à ce qu’exige de nous cet attribut.
La miséricorde qu’Allah a attribué à Lui-même est une miséricorde réelle. Elle est prouvée par les preuves scripturaires et la raison. Les preuves scripturaires sont tout ce qui affirme dans le Livre et dans la Sunna l’existence en Allah de la miséricorde. Les textes en cela sont nombreux. Pour ce qui est de la raison, sachons que tout bienfait qui nous arrive et tout malheur qui est écarté de nous, c’est grâce à la miséricorde d’Allah.
Des gens ont cependant nié qu’Allah puisse avoir comme attribut la miséricorde au sens propre du mot. Ils lui ont donné une interprétation falsificatrice en y voyant un synonyme de « bienfaisance » ou de la « volonté qu’Il a d’accomplir le bienfait », prétendant ainsi que selon la raison, il est impossible de donner à Allah un tel attribut.
« La miséricorde, disent-ils, exprime l’émotion, la faiblesse et la soumission, or cela n’est pas digne d’Allah -Puissant et Majestueux ». Nous réfutons ce qu’ils disent comme suit :
15 Hadith authentique, rapporté par al Bukhâri (hadith nº 5500), Muslim (n° 1960), Ahmad (4/312). An-Nasâ’i
(n° 4368), Ibn Maja (n° 3152), d’après Jundub b. Sufyân.
- Note du traducteur : Il s’agit dans ce hadith du sacrifice à l’occasion de la fête du sacrifice. Pour rendre ce hadith plus clair je le cite en entier : Jundub (رضي الله عنه) a dit : « Le Prophète ﷺ a fait la prière le jour du sacrifice, puis il a prononcé un discours, puis il a immolé sa victime, puis il a dit : « Ceux qui ont sacrifié [leur bête] avant de prier, qu’ils sacrifient une autre bête. Ceux qui n’ont pas sacrifié [leur bête], qu’ils la sacrifient [maintenant] au nom d’Allah ».
- Premièrement: Il n’y a pas nécessairement dans la miséricorde de la soumission ou du rabaissement. Il existe en effet des rois puissants qui sont miséricordieux mais qui ne manifestent ni soumission ni rabaissement.
- Deuxièmement : Ces choses sont la conséquence de la miséricorde concernant la créature, quant au Créateur-exalté et élevé est-Il-, Sa miséricorde est digne de Sa majesté, de Sa grandeur et de Sa souveraineté, elle ne comporte aucune imperfection. Ajoutons aussi que la raison prouve l’existence en Allah de la miséricorde au sens propre du mot. En effet, la miséricorde que nous voyons entre les créatures est une preuve de la miséricorde d’Allah.
En plus la miséricorde est un attribut de perfection, or Allah mérite qu’on Lui attribue la perfection plus que n’importe qui. Tout ce que nous voyons comme actes qui nous sont bénéfiques et qui sont propres à Allah comme lorsqu’Il fait descendre la pluie où fait disparaître la sécheresse, prouve l’existence en Allah d’une miséricorde réelle.
Ce qui est étonnant c’est que ceux qui nient l’existence en Allah de la miséricorde au sens propre, sous prétexte que la raison ne la prouve pas ou la rend impossible, ont pourtant affirmé en Lui l’existence d’une volonté au sens propre par une preuve rationnelle plus subtile que celle de l’existence de la miséricorde. Ils ont en effet dit que le fait qu’Allah caractérise chaque créature par des qualités qui la distinguent des autres créatures prouve rationnellement l’existence en Lui de la volonté. Ce qui est sans doute vrai, mais ce raisonnement est plus subtil que celui qui dit que les effets de la miséricorde prouvent l’existence de celle-ci. Seuls les gens sagaces peuvent comprendre le premier raisonnement. Quant aux effets de la miséricorde, même les gens du commun les connaissent. Ainsi si on demande à n’importe quelle personne ordinaire le matin d’une nuit pluvieuse : « Par quelle grâce avons-nous reçu la pluie ? », elle répondra : « Par la grâce et la miséricorde d’Allah ».
Question : Est-ce que la basmalah ¹6 est un verset de la sourate 16 de l’Ouverture ?
Cela fait l’objet de discussion entre les savants. Certains d’entre eux soutiennent que c’est un verset qui fait partie de la sourate de l’Ouverture et qu’on doit le réciter à voix audible dans la prière où la
16La basmalah est la formule : « Au nom d’Allah le Tout-Miséricordieux le Très-Miséricordieux- ».
La récitation du Coran se fait à voix audible. Ils soutiennent en outre que sans la basmalah la prière n’est pas valable. D’autres sont d’avis qu’elle ne fait pas partie de la sourate de l’Ouverture, mais elle est un verset indépendant du Livre d’Allah. Cet avis est le plus juste, il est prouvé par la Sunna, et en regardant de près le style de la sourate, penche aussi vers cet avis.
- La Sunna :
D’après Abu Hurayra (رضي الله عنه), le Prophète ﷺ a dit : Allah le Très-Haut a dit : « J’ai partagé la prière en deux parties entre Moi et Mon serviteur, ensuite à Mon serviteur de Me demander ce qu’il veut.
Quand le serviteur dit : (Louange à Allah le Seigneur des mondes), Allah dit : « Mon serviteur M’a loué ». Quand il dit « Le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux », Allah dit « Mon serviteur M’a complimenté ». Quand il dit : « Roi du Jour de la rétribution », Allah dit : « Mon serviteur M’a glorifié ». Quand il dit : « C’est Toi que nous adorons et c’est à Toi que nous demandons l’aide », Allah dit : « Ceci est entre Moi et Mon serviteur et à Mon serviteur de Me demander ce qu’il veut ». Quand il dit : « Guide-nous sur la voie de rectitude », Allah dit « Ceci appartient à Mon serviteur, et à Mon serviteur de Me demander ce qu’il veut » ». 17
Ce hadith peut être considéré comme un texte qui tranche dans cette question sur le fait que la basmalah ne fait pas partie de la sourate de l’Ouverture. Dans le sahih il est rapporté qu’Anas b. Mâlik (رضي الله عنه) a dit : « J’ai prié derrière le Prophète ﷺ, Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân ; ils commençaient tous par (Louange à Allah le Seigneur des monde ). Ils ne citaient pas la formule (Au nom d’Allah le Tout Miséricordieux le Très-Miséricordieux » ni au début de la récitation [du Coran] ni à la fin) 18. Cette distinction prouve qu’elle ne fait pas partie de la sourate de l’Ouverture.
Quant au style du point de vue du sens, nous savons que la sourate de l’Ouverture est constituée de sept versets, tel que s’accordent à l’affirmer les savants. Si on veut répartir les sept versets selon les thèmes de la sourate, on trouve qu’en son milieu se situe à la parole d’Allah : (C’est Toi que nous adorons et c’est à Toi que nous demandons l’aide. Le premier verset est : (Louange à Allah le
17Hadith authentique, rapporté par Muslim (n° 395), Abû Dawûd (n ° 999), Tirmidhi (n° 2953), an-Nasâ’î (n° 909), Ibn Mâja (n°3784).
18Hadith authentique, rapporté par al Bukhâri (hadith n 743), Muslim (n °399).
Seigneur des mondes), le deuxième : (Le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux), le troisième (Roi du jour de la rétribution) ; ces trois versets appartiennent à Allah comme l’affirme le hadith ci-dessus (« Allah le Très-Haut a dit : « J’ai partagé la prière en deux parties entre Moi et Mon serviteur… » »). Le quatrième verset est (C’est Toi que nous adorons et c’est à Toi que nous demandons l’aide) c’est-à-dire le verset médian. Le cinquième verset est : (Guide-nous sur la voie de rectitude), le sixième verset : (la voie de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits), le septième verset : (Non pas celle de ceux qui font l’objet de Ta colère, ni des égarés) ; ces trois derniers appartiennent au serviteur.
Donc trois versets appartiennent à Allah-Puisant et Majestueux- : qui sont les trois premiers. Trois versets appartiennent au serviteur qui sont les trois derniers, et un verset entre Allah et Son serviteur : qui est le verset médian (le quatrième verset).
Si on se réfère au style de la locution –lafz-, nous disons que si la basmalah est un verset de cette sourate, le septième verset est nécessairement trop long, de la longueur de deux versets, or comme l’on sait, les versets d’une même sourate sont en principe d’une longueur équivalente.
Donc l’avis juste est celui qui dit que la basmalah ne fait pas partie de la sourate de l’Ouverture, ni des autres sourates.
( الْحَمْدُ للهِ رَبٌِ العَالَمِينَ)
(Louange à Allah le Seigneur des mondes)
(al hamdu li-l-lâhi rabbi-l-‘alamîn )
La parole d’Allah : : (Louange) signifie le fait de qualifier le Digne de louange de parfait tout en L’aimant et en Le vénérant. Il est en effet parfait dans Son essence, Ses attributs et Ses actes. Cette louange dépend de l’amour et de la vénération. Les gens du savoir ont dit :
« En qualifiant Allah sans L’aimer ni Le vénérer, on ne Le louange pas mais on Lui fait des éloges-madh– seulement ». On peut combler quelqu’un d’éloges sans l’aimer, mais juste pour en obtenir quelque chose de profitable. Ainsi quand certains poètes se présentent devant les émirs puis se mettent à les vanter, ils ne le font pas par amour,
mais plutôt dans l’espoir de recevoir de l’argent d’eux ou parce qui les redoutent. Quant à notre louange, nous les musulmans, de notre Seigneur-Puissant et Majestueux-, c’est une louange qui se fait dans un esprit d’amour et de vénération.
L’introduction de l’article «al» dans «al hamdu » donne à ce mot une portée plus complète ; en effet, il signifie que toutes les louanges sont adressées à Allah.
La lettre «l» dans (li-l-lâhi) est une lettre qui est à prendre dans le sens de « propre à »-ikhtisâs– et aussi dans le sens de « en est digne » –istihqâq– (c’est-à-dire que les louanges appartiennent exclusivement Allah et qu’Il est digne de louanges).
(Allah) est le nom de notre Seigneur -Puissant et Majestueux-, personne ne porte ce nom à part Lui, c’est un Dieu –ilâh– au sens [passif] de maʼlûk (« divinisable »), c’est-à-dire Celui qui est adoré pur amour et vénération.
Le (Seigneur) est Celui chez qui se réunissent trois qualités : la création, la royauté et la gérance ; Il est en effet le Créateur, le Roi qui règne sur toute chose et le Gérant qui administre toutes les affaires.
A propos de Sa parole : (des mondes), les savants ont dit : «Tout ce qui est en dehors d’Allah fait partie du monde – `âlam- ». Ce mot a la même racine que `alam qui signifie : « signe » ; en effet, toutes les créatures sont des signes qui prouvent l’existence du Créateur, de Son omnipotence, de Sa puissance, ainsi que des autres formes de Sa seigneurialité-rubûbiyya-.
Leçons tirées de ce verset :
- La louange complète est à Allah-Puissant et Majestueux-. La preuve en est que le mot hamd est précédé de l’article « al » qui signifie que toutes les louanges appartiennent à Allah.
- Allah le Très-Haut est le seul qui mérite la louange complète de tous les points de vue. Ainsi quand il arrivait au Prophète ﷺ de se réjouir, il disait : « Louange à Allah qui grâce à Son bienfait, les œuvres salutaires s’accomplissent » et quand il voyait ce qui lui déplaisait, il disait : « Louange à Allah en toute circonstance ».19
Hadith rapporté par Ibn Mâja (n°3803) d’après `Â’isha (رضي الله عنه) .
- Dans ce verset Dieu s’est attribué la divinité-al-ulûhiyya- avant de s’attribuer la seigneurialité-ar-rûbbiya-.Il y a deux explications possibles à cela soit parce que « Allah » est le nom propre de Dieu et que tous les autres noms sont issus de ce nom, soit parce que les gens â qui Dieu a envoyé Ses prophètes nient sa divinité seulement.
- La seigneurialité de D’Allah le Très-Haut est générale, elle s’exerce sur le monde entier.
( الرَّحْمَنِ الرَّحِيم )
(le Tout-Miséricordieux le Très-Miséricordieux)
(ar-rahmâni-r-rahîm)
(le Tout-Miséricordieux -ar-rahmân-) est une épithète d’Allah. (le Très-Miséricordieux -ar-rahîm-) est une autre épithète d’Allah.
(ar-rahmân) est Celui dont la miséricorde est large.
(ar-rahîm) est Celui dont la miséricorde arrive aux créatures.
(ar-rahmân) est donc Son attribut alors que (ar- rahîm) est Son acte. Pris isolément, chacun englobe l’attribut et l’acte, mais quand l’un est joint à l’autre, le premier est expliqué comme étant un attribut et le deuxième est expliqué comme étant un acte.
Leçons tirées de ce verset :
- L’affirmation en Allah de l’existence de ces deux noms sublimes (ar-rahîm) et (ar-rahîm) et l’affirmation de ce qu’ils englobent comme miséricorde en tant qu’attribut et comme miséricorde en tant qu’acte.
- La seigneurialité -ar-rubûbiyya-d’Allah-Puissant et Majestueux- est bâtie sur une miséricorde large qui embrasse toutes les créatures : Allah le Très-Haut a en effet dit : (le Seigneur des mondes). Cela parce qu’on peut se demander : De quel genre de seigneurialité agit-il ? Est-ce une seigneurialité en vertu de laquelle Allah saisit [les injustes] et se venge, ou une seigneurialité en vertu de laquelle Il accorde la miséricorde et comble de bienfaits ?». La réponse est la suivante « le Tout-Miséricordieux -ar-rahmân- le Très Miséricordieux -ar-rahîm- ».
( مَالِكِ يَوْمِ الدِّينِ )
( le Maître du Jour de la rétribution )
(måliki yawmi-d-dîn)
(Maître du Jour de la rétribution) est une épithète d’(Allah ) (yawmi-ad-dîn) signifie (Jour de la rétribution).
([a]d-dîn) signifie dans ce contexte la rétribution, c’est-à-dire qu’est-exalté est-Il- le Roi de ce Jour, Jour où toutes les créatures seront rétribuées. Ce Jour-là il n’y a de roi que Lui.
([a]d-dîn) signifie tantôt la rétribution, comme dans ce verset ; tantôt l’acte, comme dans la parole du Très-Haut : (A vous votre religion -dînukum- et à moi ma religion -dini-)20 On dit souvent : Tu seras récompensé-tudânu- en fonction de ce que tu fais-tadînu- ». Selon une autre lecture du Coran –qirâ’a-, à la place de (mâliki) lit (maliki), or « malik (Roi) » a une portée plus particulière que « mâlik (Maître ou Possesseur) ».
De la réunion de ces deux lectures ressort une leçon importante, c’est que Sa royauté-vénéré et élevé est-IL- est une royauté réelle ; en effet, parmi les hommes, il y a ceux qui sont des rois sans être maîtres, ils sont nommés rois mais ne dirigent rien du tout, et parmi eux il y a ceux qui possèdent [des biens] mais qui ne sont pas des rois, comme le commun des gens, quant au Seigneur-Puissant et Majestueux. Il est aussi bien Maître que Roi.
Leçons tirées de ce verset :
- L’affirmation en Allah-Puissant et Majestueux- de la royauté et de Sa possession de tout le royaume le Jour de la résurrection, parce que ce jour-là tous les royaumes et tous les titres de roi disparaîtront.
Quelqu’un peut poser la question suivante : N’est-Il pas le Maître du Jour de la rétribution et de ce monde ?
Réponse : Certes, cela est vrai, mais ce Jour-là Sa royauté, Son royaume et Sa souveraineté apparaitront clairement, parce qu’il dira (A qui appartient la royauté, aujourd’hui)21, et lorsque personne
20Coran, CIX. 6.
21Coran, XL, 16.
Ne répondra, le Très-Haut répondra à leur place :(A Allah, l’Unique, le Dominateur) 22.
Dans ce bas-monde dominent des rois. Il y a même des rois qui dominent leurs sujets au point que ces derniers pensent qu’il n’y a pas en ce monde des rois autres qu’eux. Les communistes par exemple ne croient pas qu’il existe un seigneur des cieux et de la terre. A leurs yeux la vie consiste en des utérus qui projettent [des êtres à l’extérieur] et une terre qui les avale, et que leur seigneur n’est autre celui qui les préside, que leur seigneur n’est autre que celui qui les préside.
- L’affirmation de la résurrection et de la rétribution.
- L’incitation de l’homme à œuvrer pour ce Jour-là, Jour où seront récompensés ceux qui oeuvrent pieusement.
(إِيَّاكَ نَعْبُدُ وإِيَّاكَ نَسْتَعِينُ )
(C’est Toi que nous adorons et c’est à Toi que nous
Demandons l’aide)
(iyyâka na `budu wa iyyâka nasta `în)
(iyyâka) dans la parole du Très-Haut « iyyaka na`budu (c’est Toi que nous adorons) » est un complément mis en premier dans la phrase et dont l’agent est ( (na `budu (nous adorons) ). Il est mis avant son agent pour exprimer une clause restrictive –hasr-23, cela veut dire « Nous n’adorons que Toi ».
« na ` budu (nous adorons) » signifie Nous Te témoignons de l’humilité de la manière la plus parfaite. C’est pour cela que les croyants mettent la partie la plus noble de leur corps au même niveau que leurs pieds par humilité à l’égard d’Allah -Puissant et Majestueux. Ainsi ils se prosternent et mettent le front sur terre par soumission à Allah. Si quelqu’un dit à un croyant : « Je t’offre toutes les richesses de ce monde si tu te prosternes devant moi », il n’acceptera jamais, parce que ce genre d’humilité n’est adressé qu’à Allah-Puissant et Majestueux-seul.
L’adoration-al-`ibâda- englobe l’accomplissement de tout ce
22Coran, XL. 16.
23Note du traducteur : la clause restrictive dite hasr a pour fonction de renforcer ce qui est mentionné et d’exclure ce qui ne l’est pas.
qu’Allah ordonne et le renoncement à tout ce qu’Allah interdit. Quiconque n’agit pas de la sorte n’est pas un adorateur `âbid. S’il n’accomplit pas ce qu’Allah lui ordonne de faire, il n’est pas considéré comme un vrai adorateur, et s’il ne renonce pas à ce qu’Allah interdit, il n’est pas considéré comme un vrai adorateur, L’adorateur est celui qui se conforme à Allah-ma`bûd- dans Sa volonté religieuse. L’adoration exige que l’homme accomplisse tout ce qu’il lui est ordonné et évite tout ce qu’il lui est interdit, et il ne peut pas réalise cela sans l’aide d’Allah, c’est pour cela que le Très-Haut a dit : et (c’est à Toi que nous demandons l’aide), c’est-à-dire Nous ne demandons l’aide que de Toi dans Ton adoration et dans d’autres choses ». Allah -exalté est-Il- joint la demande de l’aide ou la confiance-at-tawakkul– à l’adoration dans de nombreux endroits du noble Coran, parce qu’on ne peut accomplir les actes d’adoration de manière parfaite qu’en s’appuyant sur l’aide d’Allah, en se remettant à Lui et en se fiant à Lui.
Leçons tirées de ce verset :
- Le devoir de consacrer l’adoration à Allah, ainsi qu’ll l’a dit (C’est Toi que nous adorons). La preuve en est qu’Allah a mis le complément en premier.
- Le devoir de consacrer l’imploration de l’aide à Allah –Puissant et Majestueux-, conformément à Sa parole : (et c’est à Toi que nous demandons l’aide). Dans cette partie du verset, Allah a aussi mis le complément en premier.
On peut poser la question suivante : Comment dire qu’il faut consacrer la demande de l’aide à Allah seul alors que le verset suivant : (Entraidez-vous à la piété et à vous prémunir-taqwâ–)24 affirme qu’on peut demander l’aide de quelqu’un d’autre qu’Allah -Puissant et Majestueux- ? En plus le Prophète ﷺ a dit : « Aider un homme à enfourcher sa monture ou encore lui faire passer ses bagages après qu’il se sera mis en selle est une aumône »25.
Réponse :
La demande de l’aide-isti `ânah-est de deux sortes :
- Une demande de l’aide dans laquelle tu t’en remets complètement Allah, c’est-à-dire que tu t’appuies sur Lui -exalté est-ll- sans tenir
24Coran, V.2
25Hadith authentique, rapporté par al Bukhâri (hadith n°2989), Muslim (n°1009), d’après Abû Hurayra (رضي الله عنه)
compte de ceux qui t’entourent, ni de la force. Cette forme d’isti`ânah est propre à Allah.
Une isti`âna qui consiste à ce que tu associes des gens dans ce que veux faire. Cette forme d’ist’anah est permise si la personne à laquelle on demande de l’aide est vivante et capable d’apporter de l’aide, parce qu’il ne s’agit pas d’une adoration dans ce cas, Allah le Très Haut a en effet dit : (Entraidez-vous à la piété et à vous prémunir-taqwâ-).26
Quelqu’un peut demander : La demande de l’aide d’une créature est-elle permise en toute circonstance ?
Non : la demande de l’aide d’une créature est permise quand celle-ci est capable de l’apporter. Si elle n’en est pas capable, il n’est pas permis de lui demander de l’aide, comme la demande de l’aide d’un habitant mort d’une tombe, c’est un acte illicite, voire un acte d’associationnisme majeur-shirk akbar-, parce que l’hôte de la tombe ne peut rien apporter d’utile à lui-même, comment alors pourrait-il aider celui qui le lui demande ? C’est aussi un acte d’associationnisme majeur que de demander de l’aide à quelqu’un qui est absent dans une chose qu’il est incapable de faire, à l’instar de ceux qui croient que le saint-waliy– qui est à l’autre bout du monde puisse les aider à résoudre leurs problèmes dans leur pays.
Si quelqu’un demande : Est-il permis de demander l’aide de quelqu’un dans le cadre légal ? », on lui répond que le mieux est de ne demander l’aide à quelqu’un qu’en cas de besoin ou quand on sait que celui à qui on demande de l’aide se réjouit d’une telle demande, dans ce cas on lui demande de l’aide dans le but d’apporter de la joie à son coeur, et il convient pour celui à qui on demande l’aide dans les choses licites de répondre positivement.
(اهدِنــَا الصِّرَاطَ المُسْتَقِيمَ)
(Guide-nous sur la voie de rectitude)
(ihdina-s–sirâta-l-mustaqîm)
Ce verset se lit de deux manières. Dans l’une des deux lectures le mot (sirât) se lit avec la lettre « s » ( sirât ). Dans l’autre lecture, il se lit avec la lettre « s » ( sirât ).
26Coran, V.2
(sirât) signifie : « chemins »
(Guide-nous-ihdina-) :
On distingue deux guidances-hidâya-: une guidance qui consiste à nous montrer la bonne voie- hidâyatu irshâd-et une guidance qui consiste à nous inspirer de suivre la bonne voie-hidâyatu tawfiq. Cette inspiration est l’assistance providentielle qu’Allah accorde à Ses serviteurs.
En disant : (Guide-nous sur la voie de rectitude), le serviteur demande à Allah une science utile et une œuvre salutaire.
([a] l-mustaqîm) c’est le chemin droit sans tortuosité.
Leçons tirées de ce verset :
- Après avoir demandé à Allah-Puissant et Majestueux de l’aider dans Son adoration, l’homme doit recourir à Lui pour le guider sur le chemin de rectitude, parce que l’adoration exige trois choses :
-La consécration-al-ikhlás–, comme le prouve la parole du Très Haut : (C’est Toi que nous adorons). -La demande de l’aide pour pouvoir accomplir les actes d’adoration la preuve en est qu’Allah a dit : (et c’est à Toi que nous demandons de l’aide)
- La conformité à la religion-ashsharî`a-, comme le prouve la parole du Très-Haut : (Guide-nous sur la voie de rectitude), or (la voie de rectitude) c’est la religion qu’a apportée l’Envoyé .ﷺ
- On déduit de ce verset l’éloquence du Coran qui a ôté la particule « ilâ » après (ihdina)27 pour que le verset englobe la demande de la guidance qui consiste dans l’enseignement et de la guidance qui consiste dans l’assistance. En effet, la guidance se divise en deux : une guidance qui consiste à enseigner et à montrer la bonne voit au serviteur et une guidance qui consiste à lui inspirer de suivre la bonne voie, cette dernière se fait par assistance –tawfîq-divine et elle est relative à l’acte, [contrairement à la première qui est relative à la connaissance].
Donc dans la première il n’y a que l’indication de la bonne voie. Dans ce sens Allah guide tous les gens, comme dans Sa parole : (Le mois
27Note du traducteur. Allah n’a pas dit : « ihdinâ ila-s–sirâta-l-mutaqîm (guide-nous vers la voie de rectitude) »
mais il a dit ( ihdina-s–sirâta-l-mustaqîm ).
de ramadan [est celui] au cours duquel le Coran a été révélé comme guidance pour les hommes)28.
Dans la deuxième, il y a l’assistance à adopter la bonne voie et à se conformer à la religion, comme dans la parole du Très-Haut: (Voilà le Livre que nul doute n’entache, en guidance de ceux qui craignent [Allah])29 .Cette guidance n’est pas donnée à tout le monde, certains peuvent en être privés, comme a dit le Très-Haut (Quant aux Thamûd, Nous les avons guidés, mais ils préférèrent l’aveuglement à la guidance)30 Sa parole : (Nous les avons guidés) signifie : « Nous leur avons explicité la Vérité, mais la réussite ne leur a pas été accordée [à cause de leurs péchés] pour suivre cette Vérité ».
- On distingue deux voies : la voie droite et la voie tortueuse. Toute voie conforme à la Vérité est une voie de rectitude, comme a dit le Très Haut : (Telle est ma voie dans toute sa rectitude. Suivez-la)31. Toute voie contraire à la Vérité est une voie tortueuse.
(صِرَاطَ الَّذِينَ أَنْعَمتَ عَلَيهِمْ غَيرِ المَغضُوبِ عَلَيهِمْ ولاَ الضَّآلِّينَ )
(La voie de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits, non pas celle de ceux qui font l’objet de Ta colère, ni des égarés).
(sirâta-l-ladhîna an ‘amta ‘alayhim, ghayri-l-maghdûbi ‘alayhim wa la-z–zâlin)
- Ce verset vient expliciter Sa parole : (la voie de rectitude). Ceux qu’Allah a comblés de Ses bienfaits sont ceux cités dans Sa parole : (Quiconque obéit à Allah et à l’Envoyé… ceux-là rejoindront ceux qu’Allah a gratifiés : Prophètes, véridiques, martyrs et vertueux. Quelle belle compagnie que la leur)32.
(non pas celle de ceux qui font l’objet de Ta colère) : ceux qui font l’objet de la colère divine sont ceux qui n’ont pas suivi fidèlement le message de Moise -paix sur lui- et tous ceux qui ont connu la Vérité mais ne l’ont pas mise en pratique.
28Coran, II, 185.
29Coran, II, 2.
30Coran, XLI, 17.
31Coran, VI, 153.
32Coran, IV, 69.
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(ni des égarés) : (ceux qui ne perçoivent pas la Vérité) sont ceux n’ont pas suivi fidèlement le message de Jésus -paix sur lui avant l’envoi du Prophète ﷺ et tous ceux qui agissent selon une voie contraire à la voie de Vérité par ignorance.
La parole du Très-Haut : (`alayhim) se lit de deux manières. L’une avec la voyelle « u » damma après la lettre « h » (`alayhum)) l’autre avec la voyelle « i » ((`alayhim)).
Sachez qu’il ne convient pas de réciter le Coran au milieu des gens du commun selon une lecture -qirâ’a- qui n’existe pas dans exemplaires du Coran que nous avons l’habitude de lire pour trois raisons :
- La première est que quand les gens du commun voient que ce Coran sublime qu’ils sanctifient et vénèrent se récite tantôt d’une manière tantôt d’une autre, sa valeur baissera à leurs yeux, parce qu’ils n’ont pas assez de connaissances pour faire la distinction telle lecture et telle autre.
- La deuxième : Les gens du commun accuseront le récitateur de ne pas savoir réciter, parce qu’il a récité selon une lecture qu’ils ne connaissent pas, ce qui fera de lui l’objet de la risée dans leurs assemblées.
Si les gens du commun pensent du bien de ce « récitateur » et juge qu’il connaît les règles de sa lecture, ils risquent de l’imiter et de commettre ainsi des erreurs, ce qui fait qu’ils se perdront entre la lecture courante et la lecture particulière de ce « récitateur ». `Ali (رضي الله عنه) a dit : Parlez aux gens avec un langage qu’ils comprennent, sinon voulez-vous qu’Allah et Son Envoyé soient démentis ? »33. Ibn Mas`ud (رضي الله عنه) a dit : « Tu ne tiendras pas un discours que les gens n’arrivent pas à comprendre, sans que cela ne sème le trouble chez certains d’entre eux »34.
Ainsi quand « Umar b. al Khattâb (رضي الله عنه) entendu Hisham b. al Hakam réciter une sourate du Coran selon un mode qu’il n’avait jamais entendu auparavant, il l’invita à en débattre devant le Prophète ﷺ qui dit à Hisham : « Récite ! » Quand il récita, il dit : « C’est ainsi
33Hadith authentique, rapporté par al Bukhâri (hadith n°127)
34Hadith authentique, rapporté par Muslim dans l’introduction de son sahih.
qu’elle est descendue » Puis il dit à `Umar : « Récite ! ». Quand il récita, il dit : C’est ainsi qu’elle est descendue ». 35
Leçons tirées de ces deux versets :
- Allah a cité le texte dont la signification est globale puis l’a fait suivre de précisions ; en effet Il a dit –le Très-Haut est-Il- : (Guide-nous sur la voie de rectitude) cette phrase est globale-, puis il a dit : (la voie de ceux que Tu as comblés de Tes bienfaits) –cette phrase vient détailler la phrase précédente. Mettre ce qui est global en premier puis l’exposer dans ses détails par la suite est une méthode [d’enseignement] efficace, car quand on cite en premier ce qui est global. L’âme de l’auditeur s’attend à ce qu’on lui en expose les détails, ce qui le prédispose à bien en retenir les détails et l’explication.
- Ceux qu’Allah a gratifiés sont ceux qui sont sur la voie de la rectitude.
3- Guider les gens sur le droit chemin est un bienfait que seul Allah Le Très-Haut accorde.
4- Il y a trois catégories de gens :
- Ceux qu’Allah a comblés de Ses bienfaits.
- Ceux qui font l’objet de Sa colère.
- Ceux qui sont égarés.
On a déjà explicité ces trois catégories. Les causes de la déviation de la voie de la rectitude sont soit l’ignorance soit l’obstination. Ceux
35Hadith authentique, rapporté par al Bukhârî (n° 419), Muslim (n° 818), at Tirmidhi (n°2943), an-Nasa’î
(n °937).
Le hadith tel qu’il est dans le sahîh d’al Bukhârî est le suivant :
`Abd ar-Rahmân b. `abd al Qârî a dit :J’ai entendu `Umar b. al Khattab (رضي الله عنه) dire : « J’ai entendu Hishâm b. al Hakam b. Hizâm (رضي الله عنه) réciter la sourate « al furqân (Le discernement) »
(sourate n°XXV) selon un mode différent du mien, alors que l’Envoyé ﷺ me l’avait fait réciter. J’étais prêt à le saisir en pleine prière mais j’ai attendis qu’il l’eut terminée puis je l’empoignai au manteau et je le conduisis auprès de l’Envoyé d’Allah ﷺ. « Envoyé d’Allah, je viens d’entendre celui-là réciter selon un mode que tu ne m’as jamais appris ». Il me dit : « Lâche-le » Puis il me dit : « Récite » Quand je récitai, il dit : C’est ainsi qu’elle est descendue. Puis il me dit « Récite ». Quand je récitai, il dit : C’est ainsi qu’elle est descendue. En fait, ce Coran est descendu selon sept « harf » ; récitez ce qui vous en est facile ».
dont la cause de la déviation est l’obstination sont ceux qui font l’objet de la colère d’Allah, on trouve à leur tête ceux qui n’ont pas suivi fidèlement le message de Moïse -paix sur lui-. Ceux dont la cause de la déviation est l’ignorance sont tous ceux qui ignorent la Vérité,on trouve à leur tête ceux qui n’ont pas suivi fidèlement le message de Jésus-paix sur lui-. Pour ces derniers, cela concerne leur situation avant l’envoi du Prophète ﷺ , mais après son envoi, la Vérité leur est parvenue, ils l’ont apprise mais l’ont contredite, ce qui fait qu’ils sont devenus comme les précédents.
5- De ces deux versets ressort l’éloquence du Coran. En effet, terme (maghdûb)36 est dans sa forme passive et son agent n’est pas nommé, ce qui prouve qu’ils font l’objet de la colère d’Allah et de Ses alliés
–awliyâ’-.
6-Il convient de citer le cas le plus grave avant le cas le moins grave. En effet, le Très-Haut a cité ceux qui font l’objet de Sa colère avant les égarés parce qu’ils s’opposent à la Vérité plus que ces derniers. Celui qui s’oppose sciemment à la Vérité peut difficilement se rétracter contrairement à celui qui s’y oppose par ignorance.
Cette sourate est sublime, et il n’est possible ni à moi ni à quelqu’un d’autre de cerner de connaissance toutes ses significations d’idées. Ma contribution en cela est juste une goutte dans un océan. Celui qui veut s’étendre là-dessus n’a qu’à consulter l’ouvrage « Les degrés des itinérants –madârij as-sâlikîn– » d’Ibn al Qayyim -qu’Allah lui soit miséricordieux.