Exégèse de la sourate Al Fatiha par Ibn Kathir
Il s’agit d’une sourate MECQUOISE.
Cette sourate porte le nom de FATIHA[1] parce que c’est elle qui « ouvre » le Coran et c’est par elle que l’on commence la récitation lors de la prière.
On l’appelle aussi communément Umm al-kitâb, ou la « Mère du Livre ». D’après Abou Hourayra Qu’Allah l’agrée, le Messager d’Allah ﷺ a dit : « La sourate : « Louange à Allah, Seigneur des mondes », est Umm al-qur’ân, la « Mère du Coran », Umm al-kitâb, la « Mère du Livre », As-sab’ al-mathânî, les « Sept (versets) répétés » et Al-qur’ân al-‘adhîm, le « Coran sublime [2]». On l’appelle aussi : Al-hamd, ainsi que As-salât, le Prophète ﷺ ayant affirmé : « Allah ﷻ a dit : « J’ai réparti as-salât en deux parts, l’une pour Moi et l’autre pour Mon serviteur (et Mon serviteur verra ses vœux exaucés[3])». Lorsque le serviteur dira : « Louange à Allah, Seigneur des mondes », Allah ﷻ affirmera : « Mon serviteur M’a loué [4]».
La FATIHA est dite également shifâ, « guérison », et ruqya, « remède », et ce par référence au hadîth authentique d’Abû Sa’îd Qu’Allah l’agrée qui rapporte avoir fait usage de cette sourate pour guérir un homme qui avait été piqué par un serpent…
« Au Nom d’Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux »
Cette formule, les Compagnons l’ont choisie comme prologue du Livre d’Allah ﷻ. De l’avis unanime des docteurs de la Loi, elle constitue une partie d’un verset de la sourate « Les fourmis ». Mais, ils divergent ensuite sur le statut de la Basmala (pour le reste des sourates) : S’agit – il d’un verset indépendant des sourates au début desquelles elle se trouve ?
Ou bien fait – elle partie intégrante de toutes les sourates au début desquelles elle a été écrite ?
Ou bien s’agit d’une partie d’un verset de chaque sourate ?
Ou bien s’agit d’une partie de verset de la FATIHA en particulier ?
Ou encore a – t – elle été écrite (dans le Coran) pour séparer les sourates, auquel cas elle ne serait pas un verset, comme l’affirment certains anciens et modernes parmi les docteurs de la Loi ?
Quant à la prononciation (jahr) de la Basmala, elle demeure corollaire au statut que l’on donne à cette formule. Ainsi, ceux qui considèrent qu’elle ne fait partie de la FATIHA ne prononcent pas la Basmala à haute voix : il en va autant de ceux qui y voient un verset au début de la FATIHA.
Par contre, il y a divergence entre ceux qui la tiennent pour prologue figurant en tête des différentes sourates : Ash – Shâfi’î Qu’Allah l’agrée estime qu’elle doit être chaque fois récitée à haute voix avec la FATIHA et la sourate (qui suit). A cette opinion adhère une foule de Compagnons, de Successeurs et de doctes musulmans, anciens et modernes. L’argument invoqué est que, faisant partie de la FATIHA, il convient de la réciter à haute voix, à l’instar des autres parties. Un autre argument est que, dans sa prière, Abû Hurayra Qu’Allah l’agrée récita la Basmala à voix haute. Ayant achevé son office, il déclara : « Ma prière est celle qui ressemble le plus à celle du Messager d’Allah ﷻ [5]».
Dans le Sahih d’Al Bukhâri, il est rapporté qu’ayant été interrogé sur la récitation du Prophète ﷺ, Anas Ibn Mâlik Qu’Allah l’agrée répondit : « il allongeait sa récitation ». Puis, il psalmodia : « Au nom d’Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux » en allongeant la récitation de bi-smi-llâhi, la récitation de ar-rahmâni et la récitation de ar-rahîmi. »
Un autre groupe soutient qu’on ne récite pas la Basmala à haute voix lors de la prière. C’est l’usage établi d’après les quatre Califes et Abd Allâh Ibn Mughaffal Qu’Allah l’agrée, ainsi que d’après nombre de pieux parmi les Successeurs ; c’est aussi l’opinion d’Abû Hanifa Qu’Allah l’agrée, d’Ath-Thawri Qu’Allah l’agrée et d’Ahmad Ibn Hanbal Qu’Allah l’agrée. De l’avis de Mâlik Qu’Allah l’agrée, l’orant ne récite la Basmala, ni à voix haute, ni à voix basse. Les uns et les autres arguent que, selon le Sahîh de Muslim, Aicha Qu’Allah l’agréée a dit : « Le Messager d’Allah ﷺ entamait la prière par le takbîr et par la récitation (du Coran) ) à partir de « Louange à Allah, Seigneur des mondes[6] ».
Ils invoquent aussi ce propos d’Anas Ibn Malik Qu’Allah l’agrée, cité dans les deux Sahîhs : « J’ai fait la prière sous la direction du Prophète ﷺ, d’Abû Bakr, Umar et Uthmân Qu’Allah les agréent. Or, ils commençaient[7] tous par la formule « Louange à Allah, Seigneur des mondes[8] ».
Chez Muslim, il est indiqué qu’ils ne prononçaient pas la Basmala[9] ni lors de la première récitation, ni lors de la dernière.
On trouve la même remarque dans les « Sunan », d’après Abd Allah Ibn Mughaffal Qu’Allah l’agrée.
DU MERITE DE LA BASMALA
Un compagnon, qui montait en croupe derrière le Prophète ﷺ, rapporte : « Un jour, l’âne du Prophète trébucha : « Malheur à Satan ! M’exclama-je – Ne dis pas : « Malheur à Satan », m’enjoignit-il. Car, si tu dis cela Satan se gonflera et dira : « Je l’ai vaincu par ma puissance ! ». Alors, que si tu dis : « Au Nom de Allah » , il s’amoindrira tellement qu’il deviendra pareil à une mouche[10]».
Selon une autre version : « Ne dis pas cela, ou alors il se gonflera tellement qu’il aura la taille d’une maison. Dis plutôt : « Au nom d’ Allah ﷻ », il s’amoindrira tellement qu’il sera pareil à une mouche ».
C’est là, une illustration de l’ascendant bénéfique de la formule : « au Nom d’Allah ». Aussi est-il recommandé de la prononcer au début de tout acte et de tout propos.
Recommandée, elle est au début des petites ablutions. Le Messager d’Allah ﷺ affirme : « Pas de petites ablutions (complètes) pour quiconque n’y a pas évoqué le Nom d’Allah [11] ». Ce hadith est jugé bon.
Il en va de même du repas. Pour preuve, ce hadith rapporté par Muslim (Qu’Allah l’agrée) dans son Sahîh : « Le Messager d’Allah ﷺ dit à son beau – fils, ‘Umar Ibn Abî Salama (Qu’Allah l’agrée) : « Dis : « Au Nom d’Allah », mange avec la main droite et mange ce qui est devant toi[12]». Mieux, il est des érudits qui ont estimé obligatoire de prononcer la Basmala dans cette situation.
Elle est également recommandée lors du rapport sexuel, à en juger par le hadîth suivant mentionné dans les deux Sahîhs : d’après Ibn ‘Abbas (Qu’Allah l’agrée), le Prophète ﷺ a dit : « Si chacun de vous, lorsqu’il a commercé avec sa femme, disait : « Au Nom d’Allah. Allah, éloigne de nous Satan, et éloigne – le, de ce dont Tu nous gratifieras», et qu’un enfant vînt à naître de cette étreinte, Satan ne pourrait nuire à cet enfant[13]».
Ainsi, la Loi révélée recommande – t-elle d’évoquer le Nom d’Allah au début de toutes ces actions, par désir de s’attirer les bénédictions divines et d’en tirer un bon augure, ainsi que pour aider à leur plein accomplissement et leur acceptation – mais Allah ﷻ en sait davantage – .
Allah est un Nom du Seigneur le Très Exalté, le Très Haut. Il est le Nom Suprême, dit -on, dans la mesure où Lui sont assignés tous les Attributs. Qu’on en juge par la parole divine : « C’est Lui Allah, Nulle divinité autre que Lui, le Connaisseur de l’invisible tout comme du visible. C’est Lui, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. C’est Lui, Allah. Nulle divinité que Lui ; Le Souverain, Le Pur, L’Apaisant, Le Rassurant, Le Prédominant, Le Tout Puissant, Le Contraignant, L’Orgueilleux. Gloire à Allah ! Il transcende ce qu’ils Lui associent. C’est Lui Allah, Le Créateur, Celui qui donne un commencement à toute chose, Le Formateur. A Lui les plus beaux noms. Tout ce qui dans les cieux et la terre Le Glorifie. Il est le Puissant, le Sage ». (L’Exode : 22 – 24).
Ainsi, tous les noms autres (qu’Allah) représentent les attributs d’Allah ﷻ. Le très Haut ﷻ a dit en effet : « C’est à Allah ﷻ qu’appartiennent les noms mes plus beaux. Invoquez-Le par ces noms ». (Les Limbes : 180). « Dis : Invoquez Allah, ou invoquez Le Tout Miséricordieux. Quel que soit le nom par lequel vous l’appelez. Il a les plus beaux noms ». (Le Voyage Nocturne : 110).
D’après Abû Hurayra Qu’Allah l’agrée, le Messager d’Allah ﷺ a dit : « Allah a quatre – vingt – dix neuf noms, cent moins un. Quiconque les énumèrera, entrera au Paradis[14] ». Le nom « Allah » est une appellation exclusive du Très Haut, du Très Exalté.
« Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux »
Les deux noms Ar-Rahman et Ar-Rahim ont un sens augmentatif et hyperbolique ; ils sont dérivés du substantif Rahma, le terme Rahman étant plus fort que Rahîm. Les propos d’Ibn Jarîr Qu’Allah l’agrée laissent entendre qu’il y a unanimité sur cette question.
Abû ‘Ali Al-Fârisi Qu’Allah l’agrée affirme : « Ar-Rahman est une appellation qui, ayant un sens absolu, embrasse toutes sortes de miséricorde ; elle est l’apanage de Allah le Très Haut. Quant à Ar – Rahim, c’est une désignation qui concerne la bonté divine envers les seuls croyants ». Allah ﷻ a dit à ce titre : « Il est Rahim envers les croyants ». Voilà aussi pourquoi, estiment les érudits, Allah ﷻ a dit : « Le Rahman s’est établi sur le Trône ». (Taha : 5).
L’établissement (sur le Trône) est associé à l’appellation Rahman pour que l’on comprenne que la miséricorde de Allah ﷻ englobe la totalité de Ses créatures alors que l’attribut Rahim porte uniquement sur les croyants. De cela, les doctes déduisent que le terme Rahman est sémantiquement plus fort, plus expressif, la clémence divine qu’il traduit étant absolue, portant sur les deux vies, temporelle et éternelle et sur l’ensemble des créatures.
Lorsque « Musaylima le menteur » rassembla les gens et prétendit être le rahmân d’al-Yamâma, Allahﷻ l’affubla de l’étiquette du mensonge et lui donna ce trait notoire ; il lui a été assigné pour toujours et c’est par « Musaylima le menteur » qu’on le désigne désormais. Devenu « le Menteur » par excellence, ce trait de caractère a acquis chez lui une dimension proverbiale, tant parmi les citadins que parmi les bédouins.
D’autre part, le terme Rahim a ceci de particulier que Allah ﷻ l’a utilisé pour décrire d’autres êtres : « Certes, un messager, issu de vous, est venu de vous. Les difficultés que vous subissez lui pèsent. Il est plein de sollicitude pour vous, il est compatissant et Miséricordieux (Rahim) envers les croyants ». (Le Repentir : 128).
De la même façon que Allah ﷻ a désigné d’autres êtres par d’autres noms qui Lui sont attribués : « En effet, Nous avons créé l’homme d’une goutte de sperme mélangé (aux composantes diverses) pour le mettre à l’épreuve. (C’est pourquoi) Nous l’avons fait Entendant (Samî) et Voyant (Basîr) ». (L’Homme : 2).
En somme, il y a d’une part des noms du Très Haut qui peuvent être attribués aux autres êtres, et d’autre part des noms qui Lui sont spécifiques, tel Allah, Ar – Rahman, le Tout Miséricordieux, Al – Khaliq, le Créateur, Ar – Razzaq, le Pourvoyeur… C’est la raison pour laquelle est mis en tête le nom Allah, suivi de l’épithète Ar-Rahman, parce qu’elle est plus spécifique à Allah ﷻ et plus notoire qu’Ar – Rahim, et que la désignation se fait en premier chef par la plus noble des appellations. Voilà pourquoi ce sont les traits les plus spécifiques qui figurent de façon graduelle au début de la Basmala.
D’aucuns prétendent que les Arabes ne connaissaient pas le terme de Ar – Rahman, raison pour laquelle Allah ﷻ leur a adressé cette réplique : « Dis : Invoquez Allah, ou invoquez le Tout Miséricordieux. Quel que soit le nom par lequel vous l’appelez. Il a les plus beaux noms ». (Le Voyage Nocturne : 110). En effet, quand, lors de l’armistice d’Al – Hudaybiya, le Messager d’Allah ﷻ eut ordonné à ‘Ali Qu’Allah l’agrée: « Ecris : « bi – smi – llâhi – r – rahmâni – r – rahîm « , les mécréants de Quraysh rétorquèrent : « Nous ne connaissons pas de Rahman ni de Rahim »[15].
On lit dans une autre version : « Nous ne connaissons en fait de Rahman que celui de Yamama ». Allah ﷻ dit alors : « Quand on leur dit : « Prosternez – vous devant le Tout Miséricordieux (Rahma n) », ils disent : « Qu’est- ce donc que le Tout Miséricordieux ? Allons – nous nous prosterner devant Lui simplement parce que tu nous le commandes ? » Et cela accroit la répulsion ». (Le Discernement : 60).
Or, il semble qu’un tel refus de leur part relève plutôt d’une attitude ingrate, expression d’une obstination inflexible et d’une mécréance incorrigible. Car, il a été constaté que les poètes de l’époque préislamique avaient bel et bien utilisé l’épithète Ar-Rahman pour qualifier Allah le Très Haut[16].
« Louange à Allah, Seigneur des mondes »
Les sept grands récitateurs du Coran sont unanimes à lire le mot al hamdu (Louange) avec la désinence (u) du sujet, l’expression al – hamdu – li – llâhi étant formée d’un sujet et de son attribut.
Abû Ja’far Ibn Jarîr (At – Tabari) Qu’Allah l’agrée affirme : « Par l’expression « Louange à Allah », on rend grâce à Allah, et à Lui seul, tous les autres êtres que certains adorent étant exclus de cette reconnaissance, aussi bien que l’ensemble des êtres que le Très Haut a créés, et cela pour les bienfaits dont Il a comblé Ses serviteurs, bienfaits innombrables que nul hormis Lui ne saurait énumérer ».
Ibn Jarîr Qu’Allah l’agrée a dit aussi : « Louange à Allah » est un éloge que Allah fait à Lui même et une injonction faite aux serviteurs de Le louer en disant : « Louange à Allah ».
« Seigneur des Mondes »
Le Seigneur (rabb) est le propriétaire qui dispose et dirige. En langue arabe, ce terme désigne le maître réformateur, le dirigeant qui œuvre pour le bien. Or, tous ces traits s’appliquent à Allah ﷻ. Il est à noter que le mot Rabb, quand il n’est pas annexé (mudâf), désigne Allah ﷻ de manière exclusive. Autrement, il est annexé à un complément de nom, comme par exemple : rabb ad – dâr : maître de maison. Quant au vocable al – ‘âlamina (mondes) il est le pluriel de ‘âlam, mot qui évoque toutes les choses existantes, excepté Allah ﷻ.
Az – Zajjâj Qu’Allah l’agrée a dit : « cela est vrai, le mot ‘âlamina englobe l’ensemble des mondes. Pour preuve, ce verset coranique : « Et qu’est – ce que le Seigneur de l’univers ? » dit Pharaon. « Le Seigneur des cieux et de la terre et ce qui existe entre eux, dit (Moise), pour peu que vous croyiez avec certitude ! ». (Les Poètes : 23 – 24).
Par ailleurs, le mot ‘âlam est dérivé de ‘alâma (signe, marque, indice). C’est qu’il constitue un signe de l’existence du Créateur du monde et une preuve de Son unicité, comme l’affirme le poète Ibn Al – Mu’tazz :
Que c’est étrange !
Comment désobéir à Allah ﷻ
Comment renier le Seigneur ﷻ
Alors, que partout et en tout,
Il y a des signes de Lui
Attestant qu’il est Unique.
« Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux »
Lors de notre propos sur la Basmala, nous avons mis en lumière ces deux Attributs divins ; nul besoin dont d’y revenir.
Al – Qurtubi Qu’Allah l’agrée a dit : « Si Allah s’est décrit Lui – même par les qualificatifs : « le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux », juste après l’assertion : « Seigneur des mondes », c’est pour associer exhortation et dissuasion. Le Très Haut ﷻ a dit en effet : « Informe Mes serviteurs que c’est Moi le Pardonneur, Le Très Miséricordieux et que Mon châtiment est certes le châtiment douloureux ». (Al – Hijr : 49 – 50) ; « En vérité, ton Seigneur est prompt à punir mais Il est aussi Pardonneur et Miséricordieux ». (Les Limbes : 167). C’est ainsi, commente Al – Qurtubi Qu’Allah l’agrée, que le vocable Seigneur traduit une mise en garde, tandis que l’expression : « le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux » évoque une exhortation. Dans son Sahîh, Muslim rapporte, citant Abû Hurayra Qu’Allah l’agrée : « Le Prophète ﷺ a dit : « Si les croyants avaient conscience de la somme de châtiments à la disposition de Allah ﷻ, nul d’entre eux ne convoiterait Son Paradis ; et si les mécréants avaient conscience de la somme de miséricorde dont Allah ﷻ dispose, nul d’entre eux ne désespérerait de Sa miséricorde[17] ».
« Maître du Jour de la Rétribution »
Certains récitateurs du Coran prononcent le mot mâlik en allongeant la voyelle (a) ; d’autres prononcent malik sans allongement. Ces deux variantes de lecture sont valables et multi confirmées (mutawâtir) ; elles sont rapportées dans les sept récitations canoniques.
Le terme mâlik est dérivé de mulk, qui signifie la royauté. Allah ﷻ a dit ; « C’est nous, qui hériterons la terre et tout ce qui s’y trouve, et c’est à Nous qu’ils seront ramenés ». (Marie : 40) ; « Dis : « Je cherche protection auprès du Seigneur des hommes. Souverain (malik) des hommes ».
Le vocable malik est lui aussi dérivé de mulk. Le Très – Haut a dit : « A qui, la royauté (al – mulk), ce jour – là ? A Allah, L’unique, le dominateur ! » (Le Pardonneur : 16) ; « Sa parole est vérité. A Lui la royauté (al mulk) » ; « Ce Jour – là, la vraie royauté (al – mulk) appartiendra au Tout Miséricordieux, et ce sera un jour difficile aux incroyants » ; (Le Discernement : 26).
Et le fait que la royauté soit circonscrite au Jour de la Rétribution n’implique pas que cette royauté ne s’étende pas à autre chose, car il a été signifié auparavant que Allah ﷻ est le Seigneur des Mondes, et qu’Il l’est de manière absolue, dans la vie de ce monde comme dans l’autre. Non, si la royauté est mise en relation avec le Jour de la rétribution, c’est parce que nul ne saurait prétendre quoi que ce soit en ce Jour, ni parler sans l’autorisation du Très – Haut. Qu’on en juge par ces paroles divines : « Le jour où l’Esprit et les Anges se dresseront en rangs, nul ne saura parler, sauf celui à qui le Tout Miséricordieux aura accordé la permission, et qui dira la vérité ». (La Nouvelle : 38) ; « Et, les voix baisseront devant le Tout Miséricordieux, Tu n’entendras donc qu’un chuchotement ». (Tâ Hâ : 108) ; « Le jour où cela arrivera, nulle âme ne parlera qu’avec la permission d’Allah ﷻ. Il y aura des damnés et des heureux ». (Hûd : 105). En vérité, le Roi, c’est Allah le Magnifique : « C’est Lui, Allah ﷻ. Nulle divinité que Lui ; Le Souverain, le Pur, L’Apaisant ». (L’Exode : 23).
Dans les deux Sahîhs, Abû Hurayra Qu’Allah l’agrée rapporte que l’Envoyé d’Allah ﷺ a dit : « Le nom qui sera le plus ignoble aux yeux d’Allah ﷻ, sera celui de l’homme qui s’appellera : « roi des rois[18] ». Or, il n’est nul roi hormis Allah ».[19]
On y lit également ce hadîth du Messager d’Allah ﷺ : « J’ai entendu l’Envoyé d’Allah, prononcer ces mots : « Allah ﷻ prendra la terre et repliera les cieux dans Sa (main) droite ; puis Il dira : « Je suis le Roi. Où sont maintenant les rois de la terre ? ».[20]
Le Saint Coran nous dit dans ce sens : « A qui appartient la royauté, aujourd’hui ? A Allah, L’Unique, le dominateur ! ». (Le Pardonneur : 16).
Il est à noter que la désignation roi, appliquée à d’autres êtres dans la vie temporelle, est à prendre au sens figuré, à l’image des paroles divines : « Allah vous envoie Saul comme roi ». (La vache : 247) ; « Il y avait derrière eux un roi ». (La Grotte : 79) ; « Il a désigné parmi vous des Prophètes, et Il a fait de vous des rois ». (La table Servie : 20).
On trouve également dans le hadîth (rapporté dans les deux Sahîhs) : « Et naviguent sur l’abîme de cette mer » comme des rois assis sur leurs trônes ».[21]
Quant au vocable dîn, il signifie récompense, remise des comptes. Le Très – Haut a dit : « Ce Jour – là, Allah leur donnera leur juste rétribution ». (La Lumière : 25). Il a dit aussi : « Quoi ? Nous paiera t-on? », c’est-à-dire : seront nous rétribués, examinés.
« C’est Toi « Seul » que nous adorons, et c’est Toi « Seul »
dont nous implorons le secours »
Les sept récitateurs (du Coran) prononcent le pronom iyyâ-ka[22] avec un (y) géminé.
Quant au mot ‘ibâda[23], il a trait, en arabe, à l’humilité, la soumission, l’aplanissement. Un chemin mu’abbad est un chemin aplani, un bétail mu’abbad est un bétail dompté, docile. Dans la loi révélée, le vocable ‘ibida dénote un amour parfait, la soumission et la crainte. L’antéposition et la répétition du complément d’objet iyyâ-ka rendent un effet de mise en valeur, d’emphase et de restriction : « Il n’est que Toi que nous adorons et à qui nous nous en remettons ». C’est là l’expression la plus complète de l’obéissance. Or, la religion se ramène dans son ensemble à ces deux notions.
Une telle interprétation trouve un écho dans les propos de certains prédécesseurs qui affirment : « La Fatiha est la clé du Coran ; or sa propre clé et sa quintessence résident dans la formule : « C’est Toi « Seul »que nous adorons, et c’est Toi « Seul » dont nous implorons secours ». Dans le premier segment, on se démarque du polythéisme en proclamant l’unicité de Allah ﷻ, dans le second, on se déclare démuni de puissance et de pouvoir, et on se fie à Allah ﷻ. Cette idée revient dans maints versets coraniques, dont les suivants : « Adore – Le donc, et place ta confiance en Lui. Ton Seigneur n’est pas inattentif à ce que vous faîtes ». (Hûd : 123). ; « Dis : « C’est Lui le Tout Miséricordieux ! Nous croyons en Lui, et c’est en Lui que nous plaçons notre confiance ». (La royauté : 29) ; « Le Seigneur du levant et du couchant. Il n’y a point de divinité à part Lui. Prends – Le donc comme Protecteur ». (L’Enveloppe : 9) ; en sus du verset sublime : « C’est Toi (Seul) que nous adorons, et c’est Toi (Seul) dont nous implorons secours ».
Quant au passage du discours de la troisième personne à la deuxième, celle de l’interlocuteur, il s’explique par le fait que le serviteur, après avoir exalté Allah le Très – Haut, semble s’être rapproché de Lui et se trouver en Sa présence pour dire : « C’est Toi que nous adorons, et c’est Toi dont nous implorons le secours ». Dans son Sahîh, Muslim Qu’Allah l’agrée rapporte que le Messager d’Allah ﷺ a dit « Allah ﷻ a dit : « J’ai réparti la prière (la Fatiha) en deux parts, l’une pour Moi et l’autre pour Mon serviteur ; et celui – ci [24] verra ses vœux exaucés. Lorsqu’il dira : « Louange à Allah, Seigneur des mondes », Allah le Très – Haut affirmera : « Mon serviteur M’a loué ». Lorsqu’il dira : « Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux », Allah affirmera : « Mon serviteur m’a loué ». Lorsqu’il dira : « Guide – nous dans le chemin droit, le chemin de ceux que Tu as comblés de bienfaits, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés », le Très – Haut affirmera : « Cela est accordé à Mon serviteur, il verra ses vœux exaucés ».[25]
Qatâba Qu’Allah l’agrée dit « Par l’expression : « C’est Toi que nous adorons et c’est Toi dont nous implorons secours », Allah ﷻ vous recommande de n’adorer que Lui et de s’y atteler pieusement et sincèrement, ainsi que de l’invoquer. Son assistance dans nos affaires. En antéposant le segment « C’est Toi que nous adorons », le texte coranique cherche à le mettre au premier plan à montrer que c’est l’adoration de Allah ﷻ qui constitue la finalité principale, l’imploration de Son secours étant un moyen d’y parvenir, sachant que l’antéposition, forme d’insistance et de mise en relief, consiste à passer du plus important vers ce qui l’est moins.
« Guide – nous dans le chemin droit »
La plupart des récitateurs du Coran prononcent le mot sirât (chemin, voie) avec un (s) grave (sâd). Il a été également prononcé avec un (s) aigu (Sîn), voire avec un (z).
Après avoir fait l’éloge d’Allah ﷻ, il convenait de Lui formuler des vœux. Or, Allah ﷻ dit précisément : « Une part pour Moi et l’autre pour Mon serviteur ; et celui – ci[26] verra ses vœux exaucés ».
Il s’agit là, de la démarche la plus appropriée pour quiconque invoque au bien – fait : vanter en premier lieu celui dont on implore l’aide, puis lui adresser sa prière, pour qu’il subvienne à ses besoins, de même qu’à ceux des croyants. Ainsi, en est-il de l’invocation : « Guide – nous, dans le chemin droit » : Si Allah ﷻ nous le recommande, c’est que, ainsi présentée, elle est le procédé le plus efficace, le plus parfait pour que les attentes et les souhaits soient comblés.
L’imploration peut se faire aussi sous forme d’information sur l’état du sollicitant et sur ses nécessités, à l’image de cette invocation de Moise : « Seigneur, j’ai grand besoin du bien que tu feras descendre vers moi ». (Le Récit : 24).
Elle peut aussi être précédée d’une description de l’Etre imploré, comme dans le propos de Dhû An – Nûn Qu’Allah l’agrée : « Pas de divinité à part Toi ! Pureté à Toi ! J’ai été vraiment du nombre des injustes ! ». (Les Prophètes : 87).
Ou encore, elle peut se limiter à un simple compliment, comme dans cette poésie :
Dois – je formuler ma requête,
Ou bien que me suffise
la timidité, la décence foncière
Qui illumine votre caractère ?
Quiconque fait un jour votre éloge
N’aura nul besoin d’implorer vos faveurs.
Guider (hadâ) signifie montrer la voie et favoriser la réussite. Le verbe hadâ peut être transitif et avoir un complément, comme dans le verset précité : « ihdi – na – s – sirâta – l – mustaqîm ».[27] Ce verbe recouvre alors les significations suivantes :
« inspire – nous », « aide – nous à réussir », « pourvois à nos besoins », « donne – nous ». Ainsi, le verset : « Ne lui avons – Nous pas indiqué les deux voies ? » (La Cité : 10), qui signifie « nous lui avons explicité le bien et le mal ».
Il s’emploie également avec la particule ilâ[28], comme dans les versets suivants où hadâ a le sens de : conduire, montrer le chemin : « Et Allah ﷻ l’avait élu et guidé vers un droit chemin ». (Les Abeilles : 121) ; « Puis conduisez – les sur le chemin de la Fournaise ». (Les Rangées : 23). ; « Et en vérité Tu guides vers un chemin droit ». (La Consultation : 52).
Dans certaines occurrences, il est accompagné de la particule lî, comme ce verset relatant les propos des gens du Paradis : « Louange à Allah qui nous a guidés à ceci ! » ; (Les Limbes : 43), c’est-à-dire qui nous a permis de parvenir à cela et d’en être dignes.
S’agissant du sirât – l – mustaqîm, ou chemin droit, l’imâm Abû Ja’far Ibn Jârir (At -Tabari) Qu’Allah l’agrée affirme : « Les commentateurs sont unanimes à considérer que le sirât – l – mustaqîm équivaut à la voie claire et rectiligne. Tel est le sens qu’en donnent l’ensemble des Arabes ».
Cependant les exégètes anciens et modernes divergent ensuite sur la signification du mot sirât, outre le fait qu’elle se résume à une seule chose : suivre Allah ﷻ et le Messager ﷺ. Le sirât – l – mustaqîm correspond, selon les uns, au Livre d’Allah ﷻ ; selon les autres, à l’islam.
Le Prophète ﷺ a dit : « Allah ﷻ a donné comme exemple un chemin droit (sirât mustaqîm), sur le bord duquel se dressent deux murailles parsemées de portails grand ouverts. Ces portails sont recouvert de rideaux. A l’entrée de ce chemin, se tient un héraut qui clame : « Ho les gens, entrez tous dans le chemin (sirât) et ne tournez ni à droite, ni à gauche ». Un autre héraut, qui se tient au dessus du chemin, chaque fois que quelqu’un veut ouvrir une des portes, s’écrie : « Malheur à toi ! N’ouvre pas cette porte, car si tu l’ouvres, tu y pénètreras ». Le chemin (sirât), c’est l’Islam ; les deux murailles, ce sont les limites de Allah ﷻ ; les portails ouverts, ce sont les interdits de Allah ﷻ ; le héraut qui se tient au dessus du chemin c’est la conscience de Allah ﷻ dans le cœur de tout musulman [29]».
Mujâhid Qu’Allah l’agrée a dit : « Par l’expression : « Guide – nous dans le chemin droit », il faut entendre : « conduis – nous vers la vérité ». Cette acception est plus globale ; elle ne contredit en rien ce qui précède.
Toutes ces opinions sont valables et corrélatives. Car, suivre l’exemple du Prophète ﷺ et de ses deux Successeurs, Abû Bakr et ‘Umar (Qu’Allah les agréent), c’est suivre la vérité ; et suivre la vérité, c’est observer l’islâm, c’est observer le Coran qui est le Livre de Allah ﷻ , Son pilier solide, Son chemin droit.
C’est dire si toutes ces interprétations sont valables et de vérifient les unes par les autres – à Allah la louange ! Mais, objectera – t- on, pourquoi le croyant implore t-il la guidance de Allah ﷻ à tout moment, dans la prière comme en dehors, alors qu’il est qualifié de guidé ?
La réponse est que si le croyant n’avait pas besoin, jour et nuit, d’implorer la guidance divine, Allah ﷻ pour se raffermir dans la voie de la rectitude, se consolider et persévérer dans la droiture et la sagacité. Le serviteur demeure incapable de s’arroger personnellement ni avantage ni dommage, sinon ce que Allah ﷻ voudra. Aussi Allah ﷻ nous exhorte – t – il à implorer Son assistance, pour qu’il nous conforte dans le vrai et couronne de succès nos démarches. Bienheureux donc est celui que Allah ﷻ incite à solliciter Ses bienfaits, le Très – Haut s’étant engagé à exaucer les vœux de ceux qui l’invoquent, notamment les plus nécessiteux. Le verset : « Guide – nous dans le chemin droit » signifie donc : « Puisses – Tu nous maintenir constamment dans cette voie ».
« Le chemin de ceux que Tu as comblés de bienfaits, non pas de ceux qui ont encouru
Ta colère, ni des égarés »
Il a été fait mention, dans ce qui précède, du hadîth où il est dit que le serviteur, chaque fois qu’il récite : « Guide – nous dans le chemin droit » jusqu’à la fin de la FATIHA , se voit répondre par le Très Haut : « Ceci est accordé à Mon serviteur, et celui – ci verra ses vœux exaucés ».
L’assertion : « le chemin de ceux que Tu as comblés de bienfaits » vient expliciter « le droit chemin ». Selon les grammairiens, cette précision serait une apposition (badal) à fonction explicative.
« Ceux que Allah a comblés de bienfaits » , ce sont les gens que Allah ﷻ a mentionné dans la sourate Les Femmes en ces termes : « Quiconque obéit à Allah et au Messager, ceux-là seront avec ceux que Allah a comblés de Ses bienfaits : Les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les vertueux. Quels bons compagnons ! Cette grâce vient de Allah. Dieu suffit comme Parfait Connaisseur ». (Les Femmes : 69 – 70).
Dans la phrase : « non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés », le terme ghayri est prononcé avec la désinence (i), sa fonction étant celle d’adjectif épithète (na’t), lequel s’accorde avec le nom qui précède. Il s’agit du « chemin de ceux que Tu as comblés de bienfaits, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère », les premiers étant les gens de la guidance et la droiture, de l’obéissance à Allah ﷻ et à Ses Messagers (que la bénédiction de Dieu soit sur eux), ceux qui respectent Ses injonctions et observent Ses interdits ; et les seconds, ceux dont la volonté est ébranlée et perverse, et qui, tout conscients qu’ils sont de la vérité s’en écartent. Quant à « ni des égarés », ce sont les gens qui, dépourvus de savoir et de discernement, ne cessent de vivre dans l’errance, loin de la vérité.
Ce propos est mis en relief par la particule ni, qui a pour effet de montrer qu’il est deux voies également mauvaises, celles des juifs et des chrétiens. Cette particule sert à renforcer la négation, à éviter que la dernière expression ne soit coordonnée avec « ceux que Tu as comblés de bienfaits » et à faire la distinction entre ces deux voies afin de s’en écarter toutes les deux. Quant à la voie des croyants, elle consiste à connaître la vérité et à agir en conséquence, à la différence des juifs, dont la voie est dénuée d’action, et des chrétiens, qui sont dénués de savoir. Voilà, pourquoi aux juifs la colère divine, contrairement à celui qui ne sait pas. De même, les chrétiens ont donné dans l’égarement dans la mesure où, tout en se proposant un but, ils ne surent comment s’y prendre, se trompèrent de méthode, manquèrent la voie de la vérité. A vrai dire, les uns et les autres, chrétiens et juifs ont ceci de spécifique que la colère divine est leur trait de caractéristique. Qu’on en juge par le verset suivant : « Celui que Allah a maudit, celui qui a encouru Sa colère ». (La Table Servie : 60). Alors que les chrétiens, en revanche, se caractérisent par l’égarement : « des gens qui se sont égarés avant cela, qui ont égaré beaucoup de monde et qui se sont égarés du chemin droit ». (La Table Servie : 77). Les traditions et les hadîths sont légions qui abondent dans ce sens.
‘Adiyy Ibn Hâtim Qu’Allah l’agrée rapporte qu’ayant interrogé le Messager d’Allah ﷺ sur la parole divine : « non pas de ceux qui ont encouru Ta colère », il obtint de lui la réponse suivante : « Ce sont les juifs ». Et sur : « ni des égarés » : « Ce sont les chrétiens ».[30]
De même, Abû Dharr Qu’Allah l’agrée rapporte : « J’interrogerai le Messager d’Allah sur « ceux qui encouru Ta colère ». Il me répondit : « Ce sont les juifs ». Je l’interrogeai ensuite sur : « ni des égarés ». Il me répondit : « Ce sont des chrétiens ».[31]
Ibn Hâtim Qu’Allah l’agrée affirme : « A notre connaissance, nulle divergence n’oppose les exégètes sur cette question ». On lit dans la biographie du Prophète ﷺ cet épisode rapporté par Zayd Ibn ‘Amr Ibn Nufayl Qu’Allah l’agrée : « Parti vers la Syrie avec un groupe de compagnons à la recherche – de la vraie religion, je rencontrai des juifs, qui me dirent : « Tu ne peux pas embrasser notre religion, avant que tu ne reçoives ta part de la colère divine. – C’est précisément la colère divine que je veux éviter », leur répondis-je. A leur tour, les chrétiens m’objectèrent : « Tu ne peux pas embrasser notre religion avant que tu ne reçoives ta part de la malédiction divine. – Je ne peux la supporter », leur répondis-je ». Il se maintînt donc dans sa nature innée, s’écartant du culte des idoles et de la religion des polythéistes, et renonçant à la foi des juifs et à celle des chrétiens ? Quant à ses compagnons, ils se convertirent au christianisme, qu’ils trouvèrent plus proche de leur nature que le judaïsme. Il y avait parmi eux Waraqa Ibn Nawfal, que Allah ﷻ guida ensuite lorsqu’il ajouta foi à la révélation du Prophète ﷺ qu’il avait renvoyé.
Une question qui a été soulevée est celle afférent à la prononciation de la lettre (d) : de l’avis des doctes, il est autorisé de la prononcer (dh) étant donné leur affinité sur le plan phonique.
CONTENU DE LA FATIHA
Dans cette sourate sublime, composée de sept versets, il y a louange et exaltation de Allah ﷻ , avec mention de Ses beaux noms qui impliquent Ses Attributs suprêmes. On y trouve aussi une évocation de la résurrection, qui est le Jour de la rétribution (yamn ad-dîn). De même, Allah ﷻ y enseigne à Ses serviteurs comment se tourner vers Lui dans leurs prières et leurs invocations ; comment se montrer humbles en se déclarant dépourvus de puissance et d’autorité ; comment vouer au Très – Haut un culte pur et sincère et reconnaître Son unicité foncière, une unicité en vertu de laquelle Il ne saurait avoir d’associé, ni d’homologue ; comme ils se doivent de l’implorer pour qu’Il les guide vers le droit chemin , celui de la vrai religion, et les raffermisse sur cette voie, de sorte qu’ils soient à même de surmonter l’épreuve du sirât, ce chemin qui sera concret au jour de la Résurrection, et qui les mènera au Paradis, auprès des Prophètes, des véridiques, des martyrs et des vertueux.
En outre, la FATIHA comprend d’une part une exhortation aux bonnes actions, pour que leurs auteurs soient, au Jour de la résurrection, du nombre des fidèles qui font œuvre pie. Et, d’autre part, elle comprend une mise en garde contre la dépravation et l’erreur, qui risquent de mettre leurs auteurs au rang de pécheurs et de scélérats au Jour de rétribution, autrement dit, parmi « ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés ». Et comme est belle la figure rhétorique perceptible dans l’attribution explicite des bienfaits à Allah ﷻ : « le chemin de ceux que tu as comblés de bienfaits », conjuguée avec l’omission du sujet, agent de la colère, dans l’expression : « ceux qui ont encouru Ta colère », sachant que c’est le Très – Haut qui est le sujet réel auquel est attribuée une telle colère. Qu’on en juge par cet autre verset coranique : « N’as tu pas vu ceux qui ont pris pour alliés des gens contre qui Allah courroucé ? ». (La Plaideuse : 14). Il en va autant de l’attribution de l’égarement à ceux qui ont emprunté cette voie, quoique ce fût Allah ﷻ qui leur a réservé un tel sort. Le Très – Haut dit en effet : « Celui que Allah guide, c’est lui le bien guidé. Et quiconque Il égare, tu ne trouveras alors pour lui aucun allié pour le mettre sur la bonne voie ». (La Grotte : 17) . « Quiconque Allah égare, pas de guide pour lui. Il les laisse dans leur transgression, confus et hésitants ». (Les Limbes : 186).
Nombreux sont les autres versets qui affirment que c’est à Allah ﷻ seul qu’il incombe de guider ou d’égarer, contrairement à ce que prétendent les Qadarites, partisans du libre arbitre, et leurs adeptes, qui estiment que c’est aux serviteurs qu’il échoit de choisir et d’agir en termes de guidance ou d’égarement. Pour étayer une telle hérésie, ils invoquent certains versets équivoques, omettant délibérément les versets qui fournissent la réponse la plus explicite en cette matière. Telle est, somme toute, l’attitude des gens de l’errance et la déviance.
On lit dans le hadith authentique[32] : « Quand tu verras ceux qui n’observent que les versets (semblant) ambigus du Coran, il s’agira de ceux que Allah a désignés par ces mots, ceux – là, méfiez – vous en ». Le messager d’Allah ﷺ faisait ici allusion au verset coranique : « Les gens, donc, qui ont au cœur une inclinaison vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets équivoques, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation ». (La Famille de Imran : 7).
Il n’est donc, par la grâce d’Allah ﷻ, point d’argument valide qui vienne à l’appui des hérésies que d’aucuns cherchent à imputer au Coran, celui – ci étant ainsi conçu qu’il fait le départ entre vérité et erreur, entre guidance et égarement, loin de toute incohérence ou contradiction, car c’est une révélation émanant d’Allah ﷻ, le Sage et le digne de Louange.
[1] Mot dérivé du verbe arabe fataha qui signifie ouvrir
[2] Hadith authentique rapporté par At Tirmidhi (3214) en ces termes : « la sourate : « Louange à Allah » est la Mère du Coran, la Mère du livre et les Sept versets répétés » ; et par Al Bukhari (4704) en ces termes : « La mère du Coran, ce sont les Sept versets répétés et le coran magnifique ». L’un et l’autre hadith sont rapportés par Abû Hourayra d’après le Messager d’Allah ﷺ
[3] Cette phrase ne figure pas dans certains version d’Ibn Kathir, mais on la trouve dans le hadith de Muslim.
[4] Hadith authentique : rapporté par Muslim (et An – Nawawi 4/101 – 102).
[5] Hadith authentique rapporté par An – Nasa’i (2 /134). Cependant, on remarquera que ce qui est reproché à Abou Hourayra – on rapporte cela aussi dans d’autres chaînes de transmetteurs – ce sont les takbir de la prière (autres que le takbir de sacralisation, et qui consistent à prononcer la formule : « Allah ﷻ est Grand ». « Que sont ces takbir, ô Abû Hurayra ? » lui reprocha t-on. Et Abû Hourarya de rétorquer : « ma prière est celle qui ressemble le plus à celle du Messager d’Allah ﷺ. Certains doctes ont dit : Abû Hourayra veut justifier par là les takbirs qui lui sont reprochés, car à cette époque on voyait mal les takbirs transitoires de la prière ». D’autres érudits estiment que le propos d’Abû Hourayra a une portée générale. Force est de signaler que la majorité des transmetteurs de ce hadith n’ont pas évoqués la Basmala.
[6] Hadith authentique rapporté par Muslim (498).
[7] Ils commençaient la prière.
[8] Hadith authentique rapporté par Muslim et An – Nawawi (4/101 – 102).
[9] Hadith authentique rapporté par Al Bukhari (743) et Muslim (399).
[10] Hadith authentique rapporté par Ahmad (5/59) et Abû Dâwûd (5/260).
[11] Hadith rapporté par nombre de traditionnalistes, dont Ibn Mâjah (hadith n°397). Comme on le voit, ce hadith est jugé par Ibn Kathir (Qu’Allah l’agrée). Il est à noter que ce hadith figure dans plusieurs versions procédant de plusieurs chaînes de transmetteurs ; certains traditionnalistes jugent authentiques l’ensemble de ces versions ; d’autres ont jugé faibles certaines d’entre elles. En tout cas, la négation exprimée (dans ce hadith) n’est pas absolue ; elle porte sur la perfection des petites ablutions et non sur leur validité.
[12] Chez Muslim, le hadith ne figure pas en ces termes, mais comme suit : Mon garçon, invoque le nom de Allah ﷻ, mange avec la main droite et mange de ce qui est devant toi ». (Hadith n°2022). Idem chez Al – Bukhari (5376). Par contre, At – Tabarâni le commence ainsi : « Dis : « Au nom d’Allah… » (Voir « Al – Mu’jam Al – Kabir », 9/14, n°8304). Remarque : il arrive à Ibn Kathir de rapporter des hadiths selon leur sens et non d’une manière exactement conforme au texte.
[13] Rapporté par Al – Bukhari (141) et Muslim (1434).
[14] Hadith authentique rapporté par Al Bukhari (2736) et Muslim (2677).
[15] Rapporté par Al – Bukhari (hadith n°2731, 2732).
[16] Il est des mécréants qui connaissaient et ne reniaient pas le nom Ar -Rahman ; qu’on en juge par ce qu’ils dirent à leurs Messagers : « Le Rahman n’a révélé aucune chose ».
[17] Rapporté par Muslim (hadith n°2755). Telle est la méthode que doivent suivre les prédicateurs qui mêleront exhortation et dissuasion. Leur propos ne se limitera pas à l’évocation de la tombe, des épreuves, du supplice et du châtiment (dans l’au delà), mais ils mettront en exergue l’ampleur de la miséricorde et du pardon divins, ainsi que les Merveilles du Paradis. Sauf que dans certains contextes, il convient de faire prévaloir l’exhortation, alors que dans d’autres, il vaut mieux s’en tenir à la dissuasion – mais Allah ﷻ en sait davantage-.
[18] Hadith authentique rapporté par Al Bukhari (6205, 6206) et Muslim (2143).
[19] La dernière phrase est un ajout fait par Muslim.
[20] Hadith authentique rapporté par Al Bukhari (4812).
[21] Hadith authentique rapporté par Al Bukhari (2788, 2789) et Muslim (1912).
[22] Pronom au cas accusatif, signifiant c’est Toi, c’est à Toi.
[23] Culte, adoration, du verbe ‘abada : adorer, idolâtrer.
[24] Dans la version de Muslim, on lit : « J’ai réparti la prière entre Moi et Mon serviteur en deux parts ; et celui – ci verra ses vœux exaucés … ».
[25] Hadith authentique rapporté par Muslim (hadith n°395).
[26] Chez Muslim, la formulation est différente ; voir hadith 24.
[27] Que l’on traduit par un verbe suivi d’un complément circonstanciel de lieu : « Guide – nous dans le chemin droit ».
[28] Equivalent, selon le cas, des prépositions à, dans, vers.
[29] Hadith authentique rapporté par Ahmad (4/182). Ce hadith a été rapporté par le biais d’autres chaînes de transmission, selon les formulations voisines les unes des autres.
[30] Hadith authentique, compte tenu des verset du Livre d’Allah ﷻ qui le corroborent. Voir les textes rapportés par Ahmad (4/378 – 379) et At Tarmidhi (2954), entre autres.
[31] Le texte est authentique. Mais, la chaine de transmission comporte une lacune à laquelle nous avons fait allusion dans notre ouvrage : « At – tashil li – Ta’wil at – Tanzil ».
[32] Hadith authentique rapporté par Al -Bukhari (4547) et Muslim (2665).